Quand le loup se déguise en brebis :image: charles finney

Les ravages de la théologie de Finney dans le mouvement évangélique


Phillip R. Johnson

La version originale de cet article peut être consultée à l'adresse :
http://www.romans45.org/articles/finney.htm

C’est quand même un comble que pour de nombreux évangéliques aujourd’hui Charles Grandison Finney soit devenu un modèle, car sa théologie est bien loin d’être évangélique. En tant que conducteur chrétien, il n’a rien d’un modèle d’humilité et de spiritualité. Même son autobiographie le dépeint comme un personnage douteux. Son propre récit donne de lui l’image d’un homme têtu, arrogant, et même quelque peu retors.

Fraudeur dès le départ

Dès le départ, le ministère de Finney repose sur la duplicité. Il obtient sa licence de prédicateur comme pasteur presbytérien en déclarant qu’il adhère à la Confession de Foi de Westminster. Par la suite, il avouera qu’il ignorait presque tout du contenu de ce document. Voici sa propre description de l’épisode au cours duquel la commission des ministères l’examina pour déterminer s’il était spirituellement qualifié et apte à enseigner la saine doctrine.

« Contrairement à mon attente, la commission me demanda si j’acceptais la Confession de Foi de l’Église presbytérienne. Je n’avais pas examiné ce long document qui comprend les Catéchismes et la Confession de Foi des presbytériens. A aucun moment je ne l’avais étudié. Je répondis donc que j’en acceptais la substance doctrinale dans la mesure où je la comprenais. Je laissai clairement entendre, à ce qu’il me semble, que je ne prétendais pas bien connaître ce document. Cependant je répondis honnêtement, en fonction de la compréhension qui était alors la mienne » [Charles Finney, The Memoirs of Charles Finney : The Complete Restored Text (Grand Rapids: Academie, 1989) pp. 53, 54.]

Un peu à la manière de Bill Clinton, Finney affirme avec insistance qu’il répondit « honnêtement », et pourtant, de toute évidence, il a délibérément trompé ses examinateurs. Son talent pour décortiquer les termes juridiques lui aurait été bien utile s’il avait fait de la politique au début du vingt et unième siècle : mais pour un conducteur d’église de son époque, il manifeste une impudence effroyable. Plutôt que d’admettre qu’il ignorait tout des principes doctrinaux de sa dénomination, il affirme qu’à « ce qu’il lui semble » il a parlé « de manière à laisser entendre » qu’il ne prétendait « pas bien connaître » ces documents. La vérité, c’est qu’il n’avait même pas examiné cette Confession de Foi et qu’il n’en connaissait rien du tout. Lamentablement mal préparé à cette ordination, il n’avait aucun droit de solliciter une licence de prédicateur auprès des instances presbytériennes. Finney écrit : « J’ignorais que le règlement presbytérien exigeait de demander au candidat s’il acceptait la Confession de Foi presbytérienne, et je ne l’avais donc jamais lue » [, p. 60]. Par conséquent, quand il déclare à la commission des ministères qu’il accepte « la substance doctrinale » de cette Confession, rien n’aurait pu être plus loin de la vérité ! Néanmoins, dans leur naïveté, les membres de la commission s’empressent de le croire et ils lui accordent une licence de prédicateur.

Pour aggraver son cas, par la suite Finney prend connaissance des articles de la Confession de Westminster et se rend compte qu’il est en désaccord sur pratiquement tous les points cruciaux. Il se garde bien de démissionner et de renoncer au mandat obtenu par un mensonge ; conservant sa situation frauduleusement extorquée, il passera le reste de ses jours à démolir les convictions doctrinales de ceux qui lui ont ouvert la porte. Il s’en vante : « Dès que j’eus connaissance des claires déclarations de cette Confession de Foi sur ces points, je n’hésitai jamais, chaque fois que l’occasion se présentait, à déclarer que je les refusais. Je les répudiais et les démolissais. Chaque fois qu’un groupe quelconque se profilait derrière ces dogmes, je n’hésitais jamais à le démolir de mon mieux. » [Memoirs, p. 60]. Finney n’est nullement gêné d’avoir obtenu sa licence de prédicateur en feignant d’adhérer précisément à ces dogmes-là. « Lorsque je lus cette Confession de Foi, et que je vis les passages sur lesquels ces positions théologiques particulières s’appuyaient, je les trouvai scandaleux », déclare-t-il sans ambages. « Je n’éprouvais aucun respect pour un document qui cherchait à imposer à l’humanité des dogmes pareils. » [Memoirs, p. 61].

Le bagage des années d’incroyance

De toute évidence, les désaccords de Finney avec les doctrines de sa dénomination datent d’avant son passage devant la commission des ministères. Il reconnaît lui-même qu’il a consciemment rejeté les points essentiels de la théologie presbytérienne bien avant de rencontrer ses examinateurs. Il relate les débats théologiques dans lesquels il entraînait son pasteur, George G. Gale : « Je ne pouvais accepter ses positions sur l’expiation, la régénération, la foi, la repentance, l’esclavage de la volonté humaine, ni sur les autres doctrines se rattachant à celles-là. » [Memoirs, p. 46]. Même avant de se convertir, Finney avait souvent débattu de ces mêmes doctrines en s’opposant énergiquement à l’enseignement de Gale sur ces points. Il écrit :

« Aujourd’hui, je pense que je critiquais souvent ses sermons sans miséricorde aucune. Je lui opposais les objections qui se présentaient avec force à mon esprit … Que voulait-il dire par repentance ? S’agissait-il d’un simple regret d’avoir péché ? S’agissait-il d’une attitude entièrement passive ? Ou bien la volonté était-elle une des composantes de la repentance ? S’il s’agissait d’une transformation de la pensée, en quoi consistait cette transformation ? Que voulait-il dire par régénération ? Que voulait-il dire en affirmant qu’il s’agissait d’une transformation spirituelle ? Que voulait-il dire par le mot foi ? S’agissait-il d’une attitude purement intellectuelle ? Est-ce que cela consistait simplement à être convaincu, persuadé que les déclarations de l’Évangile étaient vraies ? » [Memoirs, pp. 10-12].

Apparemment, la « conversion » de Finney ne change rien à son scepticisme quant aux doctrines de sa dénomination concernant ces principes évangéliques cruciaux. Postérieurement à son expérience de crise, il rejette ces aspects de la Confession presbytérienne avec plus de vigueur que jamais. L’expérience émotionnelle intense que Finney appelle sa nouvelle naissance n’a servi qu’à confirmer le sentiment qui était déjà le sien : lui-même avait raison au sujet du christianisme et des Écritures, et la plupart des responsables de sa dénomination étaient soit des imbéciles, soit des dupes.

Le récit qu’il fait lui-même de sa conversion et de sa « formation » théologique donne l’impression que Finney était un homme auquel personne ne pouvait rien apprendre. Il dresse une liste détaillée des points de désaccord entre lui-même et le pasteur Gale. Pas une seule fois il ne fait l’ombre d’une concession au pasteur Gale (ni, d’ailleurs, à qui que ce soit d’autre). De toute évidence, il croit que sa compréhension intuitive des vérités spirituelles jointe à sa formation de juriste fait de lui un expert ès doctrine supérieur à tous les prédicateurs presbytériens réunis, formés dans des séminaires. Il traite constamment de dupes et de benêts les responsables qui adhèrent à la Confession de Foi. Convaincu qu’ils n’ont rien à lui apprendre, à partir de sa conversion il se place constamment au-dessus d’eux, et se considère comme le réformateur de leurs doctrines surannées et indéfendables. Il écrit :

« En réalité, la formation reçue par le frère Gale était totalement inadéquate. Il avait imbibé une série d’opinions théologiques et pratiques qui le maintenaient dans une sorte de camisole de force. Pour mettre en œuvre ses propres principes, il ne pouvait rien faire, ou pratiquement rien. Ayant accès à sa bibliothèque, je l’ai passée au peigne fin à propos de toutes les questions théologiques qui faisaient l’objet de nos débats ; et plus j’examinais ses ouvrages, moins j’étais satisfait. » [Memoirs, p. 55].

Désormais convaincu que son tuteur (le pasteur Gale) et tous les ouvrages des Réformateurs et des Puritains figurant dans sa bibliothèque étaient sans valeur aucune, Finney se met en devoir d’élaborer un système théologique conforme à ses propres goûts.

« N’étant pas théologien, je commençai par nier les opinions de Gale, mais sans lui opposer d’affirmations positives qui soient miennes. Je lui disais : « Vos positions ne sont pas prouvées. » Souvent, je disais : « Elles ne sont pas susceptibles d’être démontrées. » Voilà ce que je pensais alors, et je continue de le penser… Mon seul recours était d’aller directement à la Bible, à ma philosophie personnelle, et à mes pensées propres telles qu’elles se présentaient à ma conscience. J’ai commencé à édifier un système d’affirmations auxquelles j’adhérais, mais avec lenteur. Au début, je trouvais simplement impossible d’accepter sa vision ; dans un deuxième temps, j’ai peu à peu formé ma propre vision, en opposition avec la sienne, et il m’est apparu que ma vision correspondait clairement à l’enseignement de la Bible. » [Memoirs, p. 55, italiques ajoutés].

Autrement dit, les vues que Finney entretenait depuis toujours sur « l’expiation, la régénération, la foi, la repentance, et l’esclavage de la volonté humaine, ainsi que les doctrines se rattachant à celles-là » sont comme un bagage qu’il introduit dans sa propre théologie systématique. Avant sa conversion il s’était déjà opposé aux doctrines du pasteur Gale, et son opposition n’avait fait que croître depuis qu’il avait compris que ces doctrines étaient celles de la Confession de Foi [de Westminster]. Désormais il méprise les positions de « la vieille école ». Il n’est aucunement disposé à étudier des ouvrages qui défendent de telles doctrines.

Sans aucune « opinion positive » personnelle (en-dehors de son mépris affiché pour la doctrine réformée), il se contente momentanément de rejeter les conseils de Gale « en les niant simplement ». Mais peu à peu Finney comprend qu’il ne lui suffit pas de nier tout bonnement les doctrines de la Confession de Foi presbytérienne. Il se met donc à scruter les pages de l’Écriture en quête d’arguments pour réfuter ces doctrines qu’il méprise, tout en élaborant de nouvelles doctrines mieux adaptées à sa philosophie personnelle, et à ses pensées propres telles qu’elles se présentaient à sa propre conscience. Ce sont les idées avec lesquelles il jonglait déjà avant sa conversion ; il en fait le cœur d’une théologie à laquelle il restera attaché jusqu’à la fin de son existence. Autrement dit, en tant que nouveau « converti », Finney met au point une théologie en accord avec les préjugés qui étaient déjà les siens avant sa « conversion ».

Ses « Memoirs », son Discours sur le Réveil, et sa Théologie Systématique ne reflètent vraiment pas un homme qui tient l’Écriture en haute estime, mais un homme qui attribue une importance démesurée à sa propre personne. Là où l’Écriture ne lui convient pas, Finney recourt aux sophismes pour la neutraliser. Il y a des sections entières de sa théologie systématique où paragraphe après paragraphe, il se livre à des considérations philosophiques et moralisatrices. On peut souvent lire plusieurs pages d’affilée sans trouver la moindre référence à l’Écriture[1].

Finney contre l’hyper calvinisme

Finney passe souvent pour un « modéré » qui se serait élevé contre l’hyper calvinisme. Il est vrai que l’hyper calvinisme (cette corruption de la doctrine calviniste, niant ou minimisant la responsabilité humaine) se développait alors en Nouvelle-Angleterre. Peut-être Finney a-t-il été en contact avec des hyper calvinistes. Il est même juste de dire que l’hyper calvinisme a contribué à créer le climat de froideur qui favorisera, par réaction, les erreurs de Finney. La popularité de ses enseignements est certainement attribuable en grande partie à une réaction excessive contre les erreurs de l’hyper calvinisme. Finney tenait sa propre théologie pour l’antidote indispensable à l’hyper calvinisme. Il écrit :

« Partout, j’ai trouvé que l’hyper calvinisme est une pierre d’achoppement tant pour l’Église que pour le monde. Les doctrines affirmant que la nature humaine est intrinsèquement pécheresse, entièrement incapable par elle-même d’accepter Christ et d’obéir à Dieu, que l’homme est condamné à la mort éternelle à cause du péché d’Adam et de sa propre nature pécheresse, et tous les dogmes rattachés à ceux-là, caractérisant cette école de théologie, sont une pierre d’achoppement pour les chrétiens, causant la ruine des pécheurs. » [Memoirs, p. 444].

Mais Finney est bien trop novice pour savoir distinguer entre un calvinisme biblique et orthodoxe, et l’hyper calvinisme. Il met tout cela dans le même sac, et finit par rejeter une grande partie de la saine doctrine en même temps que ce qu’il qualifie d’hyper calvinisme. Loin d’être un « modéré », Finney s’oppose à l’hyper calvinisme en adoptant son antithèse extrême, c'est-à-dire le pélagianisme.

Remarquez que sous prétexte de condamner l’hyper calvinisme, Finney s’oppose explicitement à l’idée que l’homme est déchu et dépravé parce qu’il a hérité d’Adam une nature pécheresse. Il s’agit là de la doctrine du péché originel, d’un point crucial de doctrine chrétienne, et non d’un dogme hyper calviniste. Tous les chrétiens des principales dénominations reconnaissent cela depuis l’apparition de l’hérésie pélagienne au cinquième siècle. Remarquez aussi que Finney rejette l’idée que le pécheur est entièrement incapable de plaire à Dieu (s’opposant ainsi à Romains 8 :7-8). L’inaptitude totale à plaire à Dieu n’est pas une doctrine hyper calviniste, c’est une vérité biblique qui a toujours été défendue tant par Augustin d’Hippone que par les Réformateurs.

La plupart des doctrines que rejette Finney font partie du cœur même de l’Evangile. Rappelons-nous ses commentaires sur les idées de son pasteur : « Je ne pouvais accepter ses positions sur l’expiation, la régénération, la foi, la repentance, l’esclavage de la volonté humaine, ni sur les autres doctrines se rattachant à celles-là. » Pas une seule des questions énumérées ci-dessus ne relève des dérives de l’hyper calvinisme. Non, ce que Finney rejette là, ce sont des doctrines bibliques fondamentales, des principes éprouvés de l’orthodoxie chrétienne de toujours. Il jette aux orties plusieurs doctrines essentielles de la foi protestante et réformée, en ce qui concerne « l’expiation, la régénération, la foi, la repentance, l’esclavage de la volonté humaine ». Pour une large part, les doctrines qu’il combat avec le plus de véhémence sont en réalité des vérités bibliques de base.

Finney ne se borne pas à rejeter l’hyper calvinisme, ni même le calvinisme tout court. Il rejette le cœur même de la foi biblique, sola fide et sola gratia (la justification du pécheur par la foi seule et par la grâce seule.) Dans la pratique, il rejette aussi sola scriptura (l’autorité et la pleine suffisance des Écritures) car il s’appuie constamment sur le rationalisme pour étayer sa nouvelle théologie. Il est donc le chef de file d’un mouvement qui renonce en bloc aux principes séculaires de la Réforme.

Finney s’oppose à la justification par la foi

En quoi consistent les erreurs les plus graves de Finney ? La plus grave de ses erreurs est de rejeter la doctrine de la justification par la foi. Finney nie que la justice de Christ puisse être l’unique fondement de notre justification : il enseigne que le pécheur doit réformer son propre cœur afin de se rendre acceptable aux yeux de Dieu. (Son insistance sur l’idée que nous devons nous transformer nous-mêmes, sans que ce soit Dieu qui nous en donne la capacité, a de forts relents de pélagianisme.)

Dans plusieurs de ses ouvrages, Finney passe énormément de temps à réfuter ce qu’il appelle « cette fiction théologique, l’imputation ». [Memoirs, p. 58]. Pour peu que l’on comprenne la doctrine réformée, on discerne immédiatement là un rejet franc et massif de la doctrine de la justification par la foi seule (sola fide). Ainsi Finney se déclare radicalement étranger à la doctrine protestante évangélique. La doctrine de la justice imputée est au cœur même de la différence entre le protestantisme et le catholicisme romain. Elle est le pivot même de toute la doctrine de la justification par la foi : or Finney la rejette sans ambages. Il se moque de l’idée même d’imputation, qu’il juge injuste : « Je ne pouvais considérer toute cette question de l’imputation que comme une fiction théologique, comparable à ces personnages juridiques fictifs que nous appelons « John Doe » et « Richard Roe » [Memoirs, p. 60]. Écartant les nombreux passages bibliques affirmant explicitement que la justice de Christ est imputée au pécheur justifié, il écrit :

« On s’appuie sur ces passages-là et sur d’autres, pour dire qu’ils enseignent la doctrine de la justice imputée ; on s’appuie sur des expressions comme « L’Éternel notre justice » (Philippiens 3:9)… « Christ, notre justice » pour dire que Christ est l’auteur de notre justification, nous procure la justification. Mais cela n’implique pas qu’il nous procure la justification en nous imputant son obéissance… » [Charles Finney, Systematic Theology (Minneapolis : Bethany), pp. 372, 373).

Ici Finney ne présente aucune explication convaincante de ce que d’après lui, l’Écriture signifie effectivement quand elle affirme à maintes reprises que la justice est imputée à ceux qui croient, par exemple dans Genèse 15:6, et dans Romains 4:4-6. Tout au long de son argumentation sur l’imputation, Finney affirme constamment que ni le mérite ni la culpabilité ne peuvent être imputés à autrui dans le respect de la justice. C’est pourquoi, conclut-il, la justice de Christ ne peut en aucune manière être le fondement de la justification du pécheur. Il poursuit :

[Sous-titre] : Le fondement de la justification des pénitents qui croient en Christ. Qu’est-ce qui fonde leur justification, en dernier ressort ? Quelle en est la raison ? 1. Elle ne se fonde pas sur le fait que Christ aurait littéralement et exactement souffert le châtiment que leur inflige la loi, en achetant littéralement leur justification et leur salut éternel. [Systematic Theology, p. 373].

Par l’usage de termes comme « littéralement et exactement », Finney caricature la doctrine à laquelle il s’oppose. Le contexte immédiat de cette citation montre qu’il cherche là à réfuter la doctrine de la Confession de Westminster, qui, au sujet de la justification, s’accorde avec toutes les grandes Confessions de Foi protestantes, et avec les théologiens protestants. Mais Finney ne peut dissimuler sa propre position : ayant décidé que la doctrine de l’imputation était « une fiction théologique », il est bien obligé non seulement de nier que la justice de Christ puisse être imputée au chrétien, mais encore que la culpabilité du pécheur ait pu être imputée à Christ sur la croix. Dans le système de Finney, il est impossible à Christ de prendre sur lui le péché d’un autre, et de souffrir tout le châtiment du péché à la place du pécheur. Finney s’oppose là à Esaïe 53:6, à 1 Pierre 2:24, et à 1 Jean 2:2. Il rejette donc la doctrine de l’expiation par substitution pénale. Nous développerons ce point ultérieurement.

Les idées de Finney sur ces questions l’amènent à donner de la justification une définition subjective et non objective. Depuis la Réforme, les protestants insistent sur le fait que la justification a un caractère forensique, qu’elle est une déclaration divine de nature juridique, accordant au pécheur repentant d’être immédiatement réconcilié avec Dieu à cause des mérites de la justice de Christ, et non à cause d’une quelconque justice lui serait propre (Romains 10:3, Philippiens 3:9). Le terme « forensique » s’applique à une déclaration juridique, comparable au verdict d’un tribunal, ou à l’affirmation par une autorité du lien du mariage (« Je vous déclare désormais unis par les liens du mariage »). La personne possède désormais un statut nouveau, indépendamment de toute transformation intérieure ; cette déclaration a un caractère purement objectif.

La transformation subjective qui rend le chrétien conforme à l’image de Christ s’appelle sanctification. C’est une réalité qui suit la justification et qui en découle, mais elle est distincte de la justification. Dès l’aube de la Réforme, il y a eu dans le protestantisme un consensus pratiquement unanime pour déclarer que la justification ne se fonde nullement sur notre sanctification, et qu’elle n’est aucunement conditionnée par notre sanctification. En revanche, le catholicisme amalgame justification et sanctification, et fait de la sanctification la condition de la justification finale.

Sur ce point, Finney se range du côté de Rome. Son rejet de la doctrine de l’imputation ne lui laisse pas le choix : « La justification, dans l’Évangile, ne doit pas être considérée comme un acte forensique ou juridique » [Systematic Theology, p. 360].

Finney s’écarte davantage encore du protestantisme historique en niant expressément que la justice de Christ puisse être l’unique fondement de la justification du chrétien ; il affirme que la justification est fondée exclusivement sur la bonté de Dieu. En cela il s’aligne sur le socinianisme et sur le libéralisme théologique.

Comme pour embrouiller encore la question, il dresse une liste de plusieurs « conditions nécessaires » à la justification, tout en précisant bien qu’elles ne la « fondent » pas à proprement parler. Ces « conditions nécessaires » comprennent la mort expiatoire de Christ, la foi personnelle du chrétien, la repentance, la sanctification, et aussi (hélas !) l’obéissance ininterrompue du chrétien à la loi. Finney écrit :

« Il ne peut y avoir aucune justification au sens forensique ou juridique, si ce n’est sur le fondement [2] d’une obéissance à la loi qui soit universelle, parfaite, et ininterrompue. Bien sûr ceux qui croient à la nature forensique ou juridique de la justification du pécheur pénitent nient cela. Ils s’en tiennent à cette maxime juridique qui veut que ce qu’un homme fait pour autrui, il le fait aussi pour lui-même, et par conséquent la loi regarde l’obéissance de Christ comme étant la nôtre, étant donné qu’il aurait obéi pour nous » [Systematic Theology, p. 362].

Bien entendu, Finney nie que Christ ait pu « obéir pour nous ». Il affirme que puisque Christ lui-même avait l’obligation d’obéir à la loi en tout, son obéissance ne servait qu’à le justifier lui-même. Il reprend, comme un refrain : « Jamais elle ne peut nous être imputée » [Systematic Theology, p. 362].

Son système implique clairement que la justification dépend en dernier ressort de l’obéissance du croyant lui-même, et que Dieu n’accordera de véritable pardon final au pécheur repentant qu’au terme de toute une vie de fidèle obéissance. C’est bien ce qu’affirme Finney, qui prêche le perfectionnisme à l’état pur. Il écrit :

« En affirmant que la sanctification est une condition de la justification, nous voulons dire que : 1°) Une consécration actuelle, pleine et entière, du cœur et de la vie au service de Dieu est la condition sine qua non d’un pardon présent pour les péchés passés, et d’une acceptation présente par Dieu. 2°) Que l’âme pénitente ne demeure justifiée que tant que cette entière consécration de cœur se perpétue. Si l’âme déchoit de son premier amour et cherche à plaire à elle-même, elle retombe sous l’esclavage du péché et de la loi, se retrouve sous la condamnation et doit revenir à ses « premières œuvres », se tourner vers Christ, lui renouveler sa foi et son amour, comme conditions du salut… La persévérance dans la foi et dans l’obéissance, ou dans la consécration à Dieu, voilà aussi une condition sine qua non de la justification, du pardon et de l’acceptation par Dieu. Comprenez-le bien, je veux dire que la persévérance dans la foi et dans l’obéissance conditionne non l’acceptation et le salut présents, mais l’acceptation et le salut final, ultime » [Systematic Theology, pp. 368, 369].

Ainsi Finney met-il l’accent sur l’idée qu’en dernier ressort, la justification tient à la performance du chrétien et non à l’œuvre de Christ. Et une fois de plus, il attaque la doctrine de l’imputation :

« Ceux qui voient dans la justification par une justice imputée un acte forensique, voient la justification finale, ultime, de la même manière que cette transaction. Pour eux, la foi entraîne une justice imputée, une justification au sens juridique. Le premier acte de foi, selon eux, introduit le pécheur dans cette relation-là et lui vaut d’être justifié à perpétuité. Ils affirment qu’à la suite de son premier acte de foi, il est impossible qu’un pécheur se retrouve sous la condamnation » [Systematic Theology, p. 369].

Mais n’est-ce pas précisément là ce qu’enseigne l’Écriture ? « Celui qui croit en lui n’est point jugé » (Jean 3 :18). « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie » (Jean 5 :24). « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous » (Galates 3 :13). Immédiatement après son grand développement sur la justification par la foi, l’apôtre Paul écrit : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8 :1). Mais Charles Finney rechigne à permettre au chrétien de se reposer sur la promesse selon laquelle « il n’y a plus de condamnation » et il ridiculise l’idée de la sécurité en Christ, prétendant qu’elle entraîne une vie dissolue. Il poursuit, toujours en caricaturant la position qu’il combat :

« Une fois justifié, il serait donc perpétuellement justifié, quoi qu’il fasse ; et la condition pour être justifié par grâce de ses péchés passés ne serait jamais qu’il cesse de pécher ; le fondement de sa justification ne serait pas son obéissance présente ou future à la loi de Dieu, et ne constituerait en aucun sens et en aucun cas une condition sine qua non de sa justification actuelle ou future.
A coup sûr, c’est là un autre évangile que celui que j’inculque. La différence ne repose pas sur quelque spéculation, sur quelque point théorique. Si jamais il a existé un élément fondamental dans l’évangile et le salut, c’est bien celui-là » [Systematic Theology, p. 369].

Comme le dernier paragraphe de cet extrait le fait ressortir nettement, Finney lui-même avait clairement conscience de proclamer un autre évangile que celui du protestantisme séculaire. Puisqu’il niait le caractère forensique de la justification, Finney ne pouvait que tenir la justification pour un élément subjectif, fondé non sur l’œuvre rédemptrice de Christ, mais sur l’obéissance du croyant lui-même. Pour lui la justification repose donc sur les œuvres, et non sur la grâce seule.

Finney s’oppose à la doctrine du péché originel

Comme nous l’avons fait remarquer ci-dessus, Finney rejette l’idée que toute la descendance d’Adam ait hérité de sa nature coupable et pécheresse. Il répudie par là l’enseignement explicite des Écritures : « Car c’est après une seule offense que le jugement est devenu condamnation… Si par l’offense d’un seul la mort a régné par lui seul… ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes… par la désobéissance d’un seul homme, beaucoup ont été rendus pécheurs. (Romains 5:16-19).

On ne s’étonnera guère de voir Finney faire appel à la sagesse humaine pour justifier son rejet de ce que la Bible enseigne avec clarté : « Quelle loi avons-nous donc violée pour hériter de cette nature pécheresse ? Quelle loi exige que nous ayons une nature autre que celle que nous possédons ? La raison affirme-t-elle que nous méritons à jamais la colère et la malédiction de Dieu, pour avoir hérité d’Adam une nature pécheresse ? [Systematic Theology, p. 320].

Bien sûr, en niant le péché originel, Finney nie aussi la doctrine de la dépravation de la nature humaine. Il refuse carrément de reconnaître que l’humanité déchue est « intrinsèquement pécheresse », et que la nature humaine est corrompue par le péché :

« La dépravation morale ne peut résider dans une disposition ou une constitution naturelle, ni dans quelque état de déchéance ou de corruption de la nature… La dépravation morale, au sens où j’en parle, ne consiste pas simplement en une nature pécheresse, au sens où l’âme humaine serait intrinsèquement pécheresse. Il ne s’agit pas d’un état de péché inhérent à la constitution [de l’être humain]. [Systematic Theology, p. 245].

Non, Finney insiste sur l’idée que « la dépravation » est une condition relevant uniquement de la volonté ; les pécheurs seraient tout simplement capables, grâce à leur volonté, de choisir d’agir autrement. Autrement dit, Finney soutient avec insistance que tout homme, toute femme possède naturellement la capacité d’obéir à Dieu. Pour lui, le péché découle de mauvais choix, et non d’une nature déchue. A son avis, le pécheur est libre de réformer son propre cœur, et il a le devoir de le réformer de sa propre initiative afin d’être racheté. Une fois de plus, c’est du pélagianisme à l’état pur :

« Il est nécessaire que le pécheur commence par changer son cœur et par se donner un autre but, avant de pouvoir manifester quelque volonté de poursuivre autre chose qu’un but égoïste. Telle est la philosophie qu’implique la Bible d’un bout à l’autre. Partout, elle dépeint ceux qui ne sont pas régénérés comme entièrement dépravés [3], et les appelle à se repentir et à se faire un cœur nouveau » [Systematic Theology, p. 249].

Finney n’est donc pas gêné d’attribuer à lui-même sa propre conversion. En détruisant le principe de sola gratia, il détruit du même coup le rempart scripturaire qui nous empêche de nous glorifier nous-mêmes (voir Ephésiens 2:9). C’est ce que fait remarquer John MacArthur :

« Le récit que fait Finney de sa propre conversion fait nettement ressortir que la facteur déterminant, dans son salut, fut sa propre volonté : ‘Au soir d’un Jour du Seigneur [au cours de l’automne en 1821] je décidai de régler sans attendre la question du salut de mon âme et si possible, de faire moi-même la paix avec Dieu’ [Memoirs, p. 16, italiques ajoutés]. Certainement en proie à une intense conviction, Finney alla dans les bois, et promit là ‘ou bien de donner son cœur à Dieu le jour même, ou bien de mourir en s’efforçant de le faire’ [Memoirs, p. 16]. [John MacArthur, Ashamed of the Gospel, Wheaton IL : Crossway, 1993, p. 236].

Finney s’oppose à la doctrine de la substitution pénale

La doctrine évangélique qui semble avoir le plus irrité Finney, c’est celle de l’expiation des péchés par Christ, en tant que substitution pénale offerte à Dieu. Il écrit : « [Au sujet de l’expiation] je n’avais rien lu d’autre que ma Bible, et ce que j’y avais trouvé à ce propos, je l’avais interprété tout comme s’il s’était agi d’un manuel de droit » [Memoirs, p. 42].

Il applique donc les critères juridiques de l’Amérique du 19e siècle à la doctrine biblique de l’expiation et conclut qu’il serait légalement injuste d’imputer à Christ la culpabilité du pécheur, ou au pécheur la justice de Christ. Comme nous l’avons déjà souligné, il traite de « fiction théologique » la notion d’imputation [Memoirs, pp. 58-61]. Cela revient à rejeter l’essentiel même de la théologie évangélique, à répudier le cœur même de l’argumentation de Paul sur la justification par la foi dans les chapitres 3 à 5 de l’Épître aux Romains, et notamment Romains 4:5). En fait cela revient à annuler l’Évangile tout entier !

De plus, en excluant toute possibilité d’imputation de la culpabilité ou de la justice, Finney s’interdit de considérer la mort de Christ comme une expiation véritable des péchés des hommes. Il remplace la doctrine de la substitution pénale par sa version personnelle de la « théorie gouvernementale » du juriste Hugo de Groot. Cette théorie ne diffère en rien de la « théologie du gouvernement moral de Dieu » remise à l’honneur par certains aujourd’hui.

La conception qu’a de Groot de l’expiation est profondément pélagienne. Privant le pécheur de l’imputation de la justice de Christ, elle exige de ce fait qu’il parvienne à une justice qui lui appartienne en propre (contrairement à ce qu’enseigne Romains 10:3).

« Il n’y a rien dans la religion qui ne soit déjà dans les capacités ordinaires de la nature. Un réveil n’a rien de miraculeux, et il ne dépend en rien d’un miracle, dans quelque sens que ce soit. Le réveil est le résultat purement philosophique du bon usage des moyens mis en œuvre – tout comme quelque autre effet s’obtient par l’application d’un moyen… Un réveil résulte tout naturellement des moyens que l’on utilise, de même qu’une récolte s’obtient par la mise en œuvre des moyens appropriés » [Charles Finney, Lectures on Revivals of Religion (Old Tappan, NJ : Revell, n.d.) pp. 4,5).

Ainsi Finney ne cesse de réduire le rôle de Dieu dans notre salut ; il minimise l’état d’impuissance absolue qui caractérise le pécheur, et il prête au pécheur le pouvoir de changer son propre cœur. Quand on recherche la racine de ces erreurs, on voit qu’elles découlent de sa fausse conception de l’expiation. En fait, c’est pour avoir nié que Christ puisse expier les péchés des hommes que Finney tombe dans toutes sortes d’aberrations théologiques.

Les retombées des doctrines de Finney

Il ne faut guère s’étonner de ce que la plupart des héritiers spirituels de Finney soient tombés dans l’apostasie, le socinianisme, le moralisme pur et simple, le perfectionnisme caractéristique de certaines sectes, ou d’autres erreurs comparables. En fait, Finney a surtout laissé un héritage de confusion et de compromis doctrinal. De son vivant, la foi chrétienne évangélique a pratiquement disparu de la partie occidentale de l’état de New York. Malgré les récits que fait Finney de glorieux « réveils », la plus grande partie de la Nouvelle Angleterre qui avait été le théâtre de ses campagnes subit une sorte de glaciation spirituelle déjà de son vivant. La région ne s’en est encore pas remise à l’heure actuelle. C’est la conséquence directe de l’influence de Finney et de ceux qui à son époque propageaient des idées semblables. On se mit à appeler la partie occidentale de l’état de New York « la terre brûlée », en raison des effets négatifs du mouvement de réveil, car Finney avait déployé là ses plus grands efforts. Les récits populaires évoquant le personnage de Finney passent ce phénomène sous silence, mais lui-même parle d’une « terre brûlée » [Memoirs, p. 78]. Il déplore l’absence complète de fruit durable suite à ses efforts d’évangélisation, et écrit :

« J’ai souvent été utilisé pour susciter chez les chrétiens une forte conviction, un état temporaire de repentance et de foi… Mais je n’ai pas réussi à les presser d’atteindre le point où ils connaîtraient Christ suffisamment pour demeurer en lui ; alors bien sûr, ils retombaient dans leur état antérieur » [Cité par B. B. Warfield, Studies in Perfectionism, 2 vols. (New York :Oxford, 1932), vol 2, p. 24].

Un contemporain de Finney fait une évaluation semblable, en termes un peu plus carrés :

« Sur une période de dix années, on a signalé des centaines et même des milliers de convertis, un peu partout ; mais on reconnaît à présent qu’il a y a eu relativement peu de véritables conversions. Même Finney déclare que « la grande majorité d’entre eux déshonorent la religion » [Cité par Warfield, vol. 2, p. 23].

B. B. Warfield cite le témoignage d’Asa Mahan, l’un des associés de Finney :

« …Il nous dit, en peu de mots, que tous ceux qui furent touchés par ces réveils retombèrent malheureusement par la suite : les gens étaient comme des charbons éteints que personne ne peut rallumer. Les pasteurs étaient comme dépouillés de toute puissance spirituelle, de même que les évangélistes. ‘Je les connaissais presque tous personnellement, et je ne me souviens pas d’un seul d’entre eux, excepté le frère Finney et le père Nash, qui n’ait perdu en quelques années toute son onction, et n’ait été disqualifié pour le ministère d’évangéliste ou celui de pasteur. »
Ainsi les « grands réveils de la région de l’ouest » débouchèrent sur un désastre… Maintes fois, quand Finney proposait de revenir dans une église, par une délégation ou par quelque autre moyen on s’opposait à sa visite, pour empêcher ce qui passait pour être une affliction… Même au bout d’une génération, ces enfants qui avaient subi la brûlure craignaient le feu [Warfield, vol. 2, pp. 26-28].

Gagné par le découragement, Finney cesse d’organiser des campagnes de réveil et fait quelques tentatives pour devenir pasteur dans la ville de New York, avant d’accepter le poste de président du Collège Oberlin. Postérieurement aux années de réveil, il s’emploie à mettre au point la doctrine du perfectionnisme. Les idées perfectionnistes étaient alors dans l’air et offraient tout un éventail de possibilités pour des hérésies graves, en marge de la foi évangélique. Finney devient l’un des principaux avocats du perfectionnisme. L’héritage néfaste du perfectionnisme dont lui et ses amis firent la promotion au milieu du dix-neuvième siècle a fait l’objet d’un examen critique par B. B. Warfield dans son important ouvrage, Studies in Perfectionism. Le perfectionnisme est l’aboutissement logique du pélagianisme de Finney. Comme on pouvait s’y attendre, il mène à la catastrophe spirituelle.

Gardons-nous de jouer avec ce feu-là

image: charles finneyCharles Grandison Finney était un hérétique. Le mot n’est pas trop fort. Finney était expert pour enrober ses opinions dans des formules ambiguës et dans des expressions à l’allure biblique, mais son enseignement est du pélagianisme pratiquement à l’état pur. Les arguments qui servant à étayer ses opinions relèvent presque toujours du rationalisme et de la philosophie, et non de la Bible. Pour canoniser un tel homme et en faire un héros de la foi évangélique, il faut fermer les yeux complètement sur ce qu’il représente.

Ne vous laissez pas duper par les éditions revues et corrigées de ses œuvres parues au vingtième siècle. Lisez l’édition « complète et récemment augmentée » de sa Théologie Systématique, rédigée en 1878, et diffusée par les Publications Bethany House. C’est la version intégrale de 1878, à laquelle s’ajoutent deux autres conférences de Finney. Ce volume reflète authentiquement sa doctrine. La version intégrale de 1851 est maintenant disponible sur l’Internet, et elle montre également les erreurs de Finney avant gommage dans les éditions ultérieures. Sous quelque angle qu’on l’aborde, il est rigoureusement impossible de considérer Finney comme un évangélique. En corrompant la doctrine de la justification par la foi, en niant les doctrines du péché originel et de la dépravation totale, en minimisant la souveraineté de Dieu tout en exaltant la puissance de la volonté humaine, et surtout en détruisant la doctrine de la substitution pénale, Finney a injecté dans le sang de l’évangélisme américain un poison dont il ne s’est encore pas relevé. C’est pourquoi, si vous visitez mon site http://www.romans45.org/bookmark/realbad.htm, vous verrez que Finney est classé dans la section : « Really Bad Theology » (Théologie vraiment néfaste). Sur le site « Hall of Church History » (Salle d’Histoire de l’Église) il figure parmi les « non-orthodoxes ».

Notes

[1] Voir par exemple la Conférence N° 16, « La dépravation morale ». Finney se livre à de longs développements sur la dépravation « morale » pendant plusieurs pages (plus de 5 pages dans l’Édition Bethany) avant de citer un seul verset de la Bible. Toute sa polémique sur « la dépravation physique » est sans objet, car pas un seul des critiques de Finney n’a jamais prétendu que la dépravation morale soit d’ordre physique. Toute la Conférence N° 10 (Qu’est-ce que la désobéissance à la loi morale ?) ne comprend que deux petits fragments de versets : onze mots de l’Écriture pour toute une conférence. Beaucoup de pages, sans doute la plupart, ne comportent pas la moindre référence à l’Écriture. En revanche, un manuel de théologie systématique typiquement évangélique comporte des douzaines de références scripturaires à chaque page. Tout l’objet de la théologie systématique, c’est de partir de l’Écriture, en développant point après point une théologie systématique. Une théologie systématique saine est donc fondée sur la Bible dès le départ. Finney, lui, a élaboré un système philosophique fondé sur des arguments juridiques et logiques, s’appuyant bien plus sur ses propres instincts et sur ses spéculations que sur la Bible.

[2] Remarquons que Finney confondait ces termes tout en prenant ostensiblement soin de les distinguer, admettant que pour l’essentiel il considérait l’obéissance du chrétien comme un fondement de sa justification.

[3] Quoique Finney emploie l’expression « entièrement dépravé », il explique bien qu’il désigne par là un état qui relève entièrement de la volonté, et non d’une dépravation profonde, intrinsèque.

Copyright version originale © 1998, 1999, par Phillip R. Johnson. Traduit en français et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.